Article rédigé par Irène Aubert pour mon-viti.com  – Octobre 2022

Avec les sécheresses qui s’intensifient, mieux penser la gestion de l’eau dans et autour des parcelles devient obligatoire. Pour ralentir, répartir, infiltrer et stocker l’eau de pluie, Permalab propose le concept d’hydrologie régénérative. Explications avec Simon Ricard

Dans cette parcelle en pente, les rangs sont plantés en suivant les courbes de niveau. Elle est entourée d’un réseau de mares plus ou moins temporaires. Au milieu, une ravine existante a été transformée en fossé, bordé d’arbres. Bien sûr, des couverts végétaux habillent une partie du sol. Tous ces aménagements vont poursuivre un but : ralentir l’eau de pluie, lui permettre de s’infiltrer, la stocker. Mais comme un deuxième effet, ces éléments vont conjuguer leurs actions pour recréer un microclimat et des spots de biodiversité, favorables à la viticulture. « L’hydrologie régénérative n’est pas une technique, mais bien une approche globale d’aménagement et de conception des parcelles, dans laquelle on utilise différentes techniques », insiste Simon Ricard, cogérant de Permalab, un bureau d’étude et de formation en agriculture et hydrologie régénératives (1).

Avec Chan Sac Balam, l’autre cogérant de Permalab, il propose aux agriculteurs et viticulteurs intéressés de les accompagner. « L’hydrologie régénérative n’est pas la solution miracle, cela ne suffira pas à éviter totalement l’impact des fortes sécheresses, prévient-il, mais cela peut retarder le recours à l’irrigation. C’est une contribution à la conception d’un agrosystème avec un sol vivant, des arbres, une productivité viticole… qui limite l’érosion quand il pleut et même, qui capte l’eau arrivant sur la parcelle, afin qu’elle reste dans l’écosystème. »

Avant la plantation

L’idée est séduisante. Mais comment la mettre en pratique ? « Nous proposons d’intégrer ces questions avant la plantation au même titre que l’on va examiner les possibilités au regard du passage du matériel, par exemple, car c’est le moment où les choix concernant le sens de plantation sont encore ouverts », indique Simon Ricard. L’idéal est d’implanter les rangs perpendiculaires à la pente, en suivant une ligne directrice () proche d’une courbe de niveau. Chaque rang va créer un micro-obstacle qui va freiner l’eau, surtout si un sous-solage préalable dans l’inter-rang a été effectué.

D’autres aménagements peuvent être envisagés, en fonction du diagnostic établi sur la parcelle (voir encadré), notamment des noues, sortes de fossés enherbés destinés à infiltrer l’eau, voire même, créer une forme de ripisylve. « Ainsi, il n’y a plus à remonter la terre après la pluie. À l’échelle d’un bassin versant, l’eau ne va pas inonder les fonds de vallée. D’une pierre, on fait plusieurs coups », se réjouit Simon Ricard.

Des revenus autres

Malheureusement, il n’existe pas de données mesurées ou de résultats d’essais scientifiques à présenter pour l’instant. Seulement des constatations et données observées. « Les baissières se remplissent bien quand il pleut. L’érosion est stoppée ou contenue. Mais c’est un ensemble agronomique, agroforestier et agroécologique qu’il faut mettre en place », souligne-t-il.

Le prix à payer ? Celui des aménagements, mais aussi celui des mètres carrés de surface viticole qui ne porteront pas de vigne. Une idée difficile à envisager en fonction des régions, du prix du foncier et de la rentabilité de la culture de la vigne. « Mais ces surfaces peuvent aussi devenir productives », objecte Simon Ricard. C’est le cas pour l’agroforesterie, qui génère un revenu lié au bois. Mais d’autres idées peuvent être testées, comme l’expérience menée au Domaine des Quarres (Coteaux du Layon), qui a consisté à semer des courges cette année.

Et sur le plat, l’hydrologie régénérative est-elle intéressante ? « Le plat total n’existe pas mais oui, sur les parcelles peu pentues, il faut aussi que les sols infiltrent s’il pleut 100 mm ! Où va l’eau ? Génère-t-elle des désordres ? Où vont les drains s’il y en a ? On peut aussi se poser ces questions en terrain « plat » », estime le consultant-formateur.

L’hydrologie régénérative est une contribution à la conception d’un agrosystème qui limite l’érosion quand il pleut et même, qui capte l’eau arrivant sur la parcelle, afin qu’elle reste dans l’écosystème.

Intéressé.e, par où commencer ?

S’informer. « Vous pouvez lire le livre d’Alain Malard « Vignes, vins et permaculture » pour vous faire un premier avis », recommande Simon Ricard.

Se former. Permalab propose des formations avec une première partie théorique en distanciel, puis une partie appliquée aux projets de chacun.

Une méthode en trois étapes :

1-Avant tout, l’aménagement d’une parcelle nécessite une cartographie précise. Il est possible d’utiliser un drone ou les données numériques gratuites de l’IGN. Permalab a d’ailleurs mis en ligne un tutoriel sur sa chaîne Youtube.

2-Vient ensuite l’étape du design hydrologique : quels sont les flux d’eau ? Les désordres (hydromorphie, érosion…) ? Les ressources et les besoins par mois ? À partir de ce diagnostic, différents éléments peuvent être positionnés : bassins de stockage, noues, etc.

3-Puis, le design agroforestier et viticole est établi.